VEF Blog

Titre du blog : Les laboratoires Beneties
Auteur : Tebu
Date de création : 06-11-2010
 
posté le 05-06-2013 à 12:23:45

Marie-Christelle a vu American Pie 4

On a demandé à Marie-Christelle d'expérimenter pour nous une nouvelle MDMA. Et de chroniquer sur le dernier film de Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg, American Pie 4. Le problème, c'est qu'elle a fait les deux en même temps...

 

 

Sous le potache, les lettres... American Pie 4 est truffé de références aux grands poètes des temps modernes.


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 





Sous le potache, les lettres... American Pie 4 est truffé de références aux grands poètes des temps modernes.

 

Hugo, Verlaine et Stiffler

American Pie 4, de Jon Hurwitz, Hayden Schlossberg

2012. Avec Jason Biggs, Alyson Hannigan

Américain, 114 minutes

Ados du monde entier, fuyez ! Les héros ont grandi, le public visé avec... Place à la littérature !


Cinéphiles de la dernière averse, passez votre chemin ! Cartésiens, rationnels, du balai, ce film n'est pas pour vous.

La voilà, la surprise de 2012 : American Pie 4 s'adresse aux poètes. Symbole : la conclusion de cette saga délurée vise les spectateurs avertis. Les intellos. Les littéraires. Les érudits.

Quelle surprise de voir Hurwitz et Schlossberg tenter ce pari-là ! Eux qui ont tant pâti des critiques (acides, sévères parfois, comme les nôtres) de leurs précédentes productions nous adressent le pied-de-nez ultime : oser nous amener sur le dangereux terrain des références littéraires. Car c'est bien de poésie dont il s'agit : American Pie 4 est pétri de littérature, truffé d'hommages subtils à l'oeuvre des grands auteurs français des XVIIIe et XIXe siècles...


Voltaire, ce coquin


A tout seigneur, tout honneur. Le film ouvre sur une séquence qui annonce le ton : La parade grand-guignolesque de Stiffler permet d'attirer une amante potentielle dans sa chambre pour ce qu'il convient d'appeler, au choix, une étreinte émue ou une intense partie de baise... Vulgarité, me direz-vous ? Voltaire ! vous répondrai-je ! Vu et revu ? Non ! Hommage à l'oeuvre de ce fantastique libérateur de pensée et philosophe du plaisir. L'oeuvre en question s'intitule « Polissonnerie », et pas besoin de longue étude pour repérer l'inspiration qu'en ont tiré les auteurs : « Je cherche un petit bois touffu, / Que vous portez, Aminthe, / Qui couvre, s’il n’est pas tondu / Un gentil labyrinthe. / Tous les mois, on voit quelques fleurs / Colorer le rivage ; / Laissez-moi verser quelques pleurs / Dans ce joli bocage. »

Alors oui, la rhétorique employée dans le film n'est pas celle, fine, subtile et scandaleuse, qu'a pu tenir la Lumière en 1730, mais les indices hurlent... Stiffler : « Je vais foncer droit dans ta culotte, et si t'as pas tes règles, on se lance dans les polissonneries ! » Outre l'utilisation du titre du poème qui défraya la chronique, le parallèle des deux tirades pourrait surprendre... s'il n'était pas le premier d'une longue série...


Familiarité, immoralité, jubilation


Exemples marquants, Monte sur moi de Verlaine (Lait suprême, divin phosphore / Sentant bon la fleur d’amandier, / Où vient l’âpre soif mendier, / La soif de toi qui me dévore), métaphorisé ici par une séquence subtile, où Vicky confond un verre de lait d'amande avec la semence de son grand père sénile, pourtant ravi de la plaisanterie.

Les enfants d'Hugo dans Melancholia, dont «pas un seul ne rit», sont retrouvés lors du splendide final du film où, dans un mauvais goût assumé par les auteurs, la progéniture de nos héros (anti-héros ?) est priée d'apporter les sextoys à leurs aïeux pendant qu'ils partousent ! «Ô servitude infâme imposée à l'enfant ! ...»

Et la série continuera, n'altérant en rien le plaisant rythme de la réalisation. Le coup de maître du film est de parvenir, sous une telle familiarité langagière, et sous une pareille immoralité des mœurs présentées, à glisser un nombre vertigineux de références littéraires. Le spectateur prendra un cours. American Pie 4 est un chef-d'oeuvre de complexité.


Marie-Christelle Théodorisée