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Titre du blog : Les laboratoires Beneties
Auteur : Tebu
Date de création : 06-11-2010
 
posté le 13-10-2013 à 21:54:51

Marie-Christelle n'a pas compris "Un prophète"

Cela faisait un petit moment déjà que les laboratoires Beneties avaient demandé à Marie-Christelle de chroniquer sur le film coup de poing de Michel Audiard. C'est désormais chose faite, sans que l'on sache si ça valait bien le coup.


 

               César (Niels Arestrup) et Malik (Tahar Rahim) rivalisent de bêtise pour servir notre dégoût.



Audiard n'est prophète en son pays

Avec « Un prophète », le cinéaste s'essaye à l'apologie du crime. Malvenu et vulgaire.


 Un prophète (France, 2012). De Michel Audiard, avec Tahar Rahim, Niels Arestrup. 2h35min


Se lancer dans le visionnage d'un film de Michel Audiard, c'est à coup sûr s'offrir un plaisir visuel couplé à une réflexion primordiale. C'est apprécier le sens du détail, et jouir d'un film polémique. Un prophète, film prenant place très majoritairement en prison, n'échappe pas à la règle, en tout cas du côté de la réalisation : les plans sont nerveux, séant parfaitement à l'ambiance carcérale, et le rythme est effréné, tirant le spectateur vers toutes les magouilles de personnages complètement timbrés : dealers, avocats ou affidés, aucun des personnages de l'histoire n'est tout blanc, et, bien malheureusement, aucun ne semble éprouver de remords. Ni même de regrets. Et le plus inquiétant, c'est que pas un ne semble même capable de se poser la question des conséquences.


Morale à l'envers


Des questions, en voilà : A quoi joue Audiard ? Que penser de cet odieux « héros » (puisqu'il convient de l'appeler comme tel), Malik, qui n'a tiré aucune des leçons sociétales de la prison, et qui, après un séjour au frais pour violence sur un agent de police, recommence ses délits sitôt sorti (lors même de des permissions) ? Que penser de ce parrain corse, terrible et sanguin, manipulateur parmi les manipulateurs, et filmé avec tant de complaisance qu'on en vient à se demander si ce qu'il fait n'est pas bien ?

Là est le vice : « Un prophète » prend un plaisir machiavélique à humaniser le prisonnier. Peu importe qu'il soit un simple dealer, un violeur ou un parrain de la mafia corse. L'empathie cynique du film donne la nausée. On ignore si le réalisateur entretient une fascination, ou pire, une admiration pour la délinquance, mais le mal est fait : « Un prophète » dédramatise le crime. Et par là-même, l'encourage. Et c'est nauséabond.


Beaucoup de bruit pour rien


Tant de travail de réalisation et de montage au service d'une morale aussi insupportable frise la faute professionnelle. Les idées intéressantes, comme les scènes de classe, tombent irrémédiablement à plat tant le personnage principal ne tire pas profit de ses apprentissages et rencontres. C'en est terriblement dommage quand on jauge les possibilités infinies qu'offrent au cinéma les milieux conjugués de la pègre et de la prison.

Au final, reste le vide. Un film complètement creux, sans l'once d'une idée, sans l'esquisse d'une réflexion. Un film trop long de deux heures et demie.


Marie-Christelle Théodorisée